Le Cinema sous l'occupation
           

        On distingue tout d’abord deux censures auxquelles s’est retrouvé soumis le cinéma, de chaque côté de la ligne de démarcation. C'est deux censures ont généralement agis pour des motifs différents.

        La première, celle des Allemands, a été active en zone occupée puis dans toute la France à partir de 1942, date où ils franchissent la ligne de démarcation. Cette censure est supervisée depuis l’Allemagne par Goebbels, ministre du Reich à l’Education du Peuple et à la Propagande. Cette censure a été très active, en filtrant les films avant, pendant et après leur tournage. Goebbels a d'ailleurs donné des consignes très strictes concernant la censure, comme l'illustre ce qu'il a écrit dans son Journal :

"J'ai donné des directives très claires pour que les Français ne produisent que des films légers, vides, et si possible, stupides. Je pense qu'ils s'en contenteront."

       La deuxième censure est celle du gouvernement de Vichy, active jusqu'en 1942. Pour lui, le cinéma est une activité commerciale et industrielle prioritaire. Il instaure, tout comme les Allemands, une triple censure. Les films doivent y passer à la présentation du scénario, après le tournage et en cas d'exportation du film à l'étranger. Mais les films français réalisés par la société de production allemande Continental ne passaient pas devant la censure de Vichy. En effet, les Allemands la considéraient "bornée et conservatrice", ce qui fait qu'ils s'en moquaient.

 

        Dès le début de l’occupation, la production cinématographique est complètement réorganisée. Un Comité d'Organisation de l'Industrie Cinématographique (COIC) est créé en décembre 1940. Cette organisation Vichyste est dirigée par Raoul Ploquin, producteur, scénariste et réalisateur français.

        Le COIC a pour but de regrouper les professionnels du cinéma. Pour cela, il délivre des cartes d'identités professionnelles. Mais le COIC est lié à des règles très strictes. Tout d'abord, l'obtention d'une carte est difficile et elle est interdite notamment aux juifs, aux communistes et aux homosexuels. De plus, chaque professionnel désirant obtenir une carte doit avoir un casier judiciaire vierge. Ensuite, la carte doit être renouvelée tous les trois mois. Elle est cependant indispensable à toute personne travaillant dans le cinéma car elle est obligatoire pour rentrer dans un studio.

 

 La censure s'est très vite mise en place au début de l'occupation, procédant étape par étape. D'abord, les censures française et allemande ont retiré la moitié des films déjà existants, ceux-ci jugés tendancieux (films qui, par exemple, expriment un peu trop leurs opinons politiques), immoraux (avec des scènes de nu, par exemple), ainsi que les films de guerre. Ensuite, les Allemands interdisent tous les films français réalisés avant 1937, soit 40% des films restants. Après cela, ce sont les noms des acteurs juifs qui sont censurés, en étant retirés des génériques et des affiches. C'est ensuite au tour des films anglo-saxons, qui sont interdits dès 1940 en zone occupée, puis en 1942 en zone sud.

 

En 1941, Goebbels crée la société de production cinématographique Continental Films, surnommée La Continental, et choisit pour la diriger Alfred Greven (réalisateur, travaillant autrefois pour la UFA en Allemagne). Cette compagnie allemande, installée en zone occupée, produit des films réalisés et interprétés par des Français. Le logo de la Continental, représentant son initiale, devient pendant 4 ans la croix gammée du cinéma ; c'est-à-dire le symbole de la présence allemande en France. Mais Greven veut faire du cinéma "à la française" sans forme de propagande. Ses choix l'opposent donc à Goebbels, mais il bénéficie de la protection de son ami Goering.

 

Continental
Logo de la Continental


        Mais, la Continental n'est pas seule dans l'industrie cinématographique française : Gaumont et Pathé sont également présents. Cependant, elle obtient des avantages considérables sur ses concurrents. En effet, elle dispose tout d'abord d'importants moyens financiers. Ensuite, presque tous les tournages de films français ont été stoppés lors du début de la guerre. Et en 1941, la Continental est la première compagnie qui obtient l'autorisation de recommencer à tourner ; ses films sortent donc en salle avec plusieurs semaines d'avance que les autres sociétés de production. Enfin, la Continental est une société à concentration verticale. Elle dispose ainsi de toute la chaine de fabrication d'un film. De plus, la Continental étant au service des Allemands, elle dispose de moyens de persuasion conséquents. Les réalisateurs français ne refusent donc généralement pas de travailler avec elle. Mais même s'ils se soumettent à elle, les réalisateurs restent libres dans le choix de leurs scénarii (tant qu'ils ne font pas d'allusion aux thèmes interdits par la censure, comme la guerre). Ils refusent également de participer à toute forme de propagande.

        Au total, sur les 220 films réalisés pendant l'occupation, 30 ont été produits par la Continental, dont notamment Premier rendez-vous, Mam'zelle Bonaparte, Les Inconnus dans la maison, L'Assassin habite au 21,  La Main du diable,  Le CorbeauMais en dépit des apparences, ce chiffre est largement supérieur à celui des 56 autres producteurs. La deuxième société à avoir produit le plus de film est Pathé, avec un total de 14 films. Vient ensuite Gaumont, avec 8 films. Les autres ne dépassent pas les 7 films produits sur cette période de 4 ans.

        Cependant, les professionnels du cinéma ne se sont pas tous pliés aux censures appliquées en France. C'est notamment le cas de Jean Renoir, Julien Duvivier, Pierre Chenal, Jacques Feyder, Jean Gabin, René Clair, Charles Boyer ou encore Michèle Morgan, qui ont fui vers d'autres pays, principalement les Etats-Unis. Mais la plupart, et en particulier Jean Gabin et Jean-Pierre Aumont, ont continué de soutenir la France libre.



Gaumont
Salle de cinéma du Gaumont-Palace en 1943


            Mais la censure ne s'arrête pas à la production d'un film. En effet, les réactions des spectateurs dans les salles de cinéma sont limitées, en particulier pendant la diffusion des actualités, projetées avant chaque film. Des affiches placardées dans les salles et des messages projetés avant le lancement du film étaient là pour le rappeler. Ainsi, les coups de sifflets, les rires, les toux prolongées, les murmures ou encore les piétinements pouvait couter l'expulsion de la salle, des poursuites et même un séjour au commissariat.

 

PROJECTION DES ACTUALITES
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Le public est informé qu'aucune manifestation ne sera tolérée pendant la projection des actualités.
Le moindre murmure ou rire, ainsi que les applaudissements peuvent entrainer des ARRESTATIONS et la FERMETURE IMMEDIATE des salles.
LA DIRECTION

Texte des affiches placardées dans les salles de cinéma



Schéma récapitulatif de l'organisation cinématographique entre 1940 et 1944

COIC

ACE = Alliance Cinématographique Européenne